Les solutions digitales pour aider les recruteurs, notamment dans la présélection et le sourcing de candidats, foisonnent en ce moment. Mais l’utilisation d’agents conversationnels est elle réellement éthique ?
Deux questions se posent alors. Tout d’abord vis à vis du candidat, il est logique de penser que les chatbots vont causer une certaine déshumanisation du processus de recrutement. Ensuite, du côté des salariés, il est normal de craindre une suppression d’emplois causée par ces nouvelles technologies.
Un chatbot déshumanise-t-il le processus de recrutement ?
D’après moi, il faut d’abord se demander si l’étape de la pré-sélection est vraiment une étape qui est actuellement humaine. Comme on peut le voir dans de nombreuses grandes entreprises, un certain nombre de candidatures, qu’elles soient spontanées ou non, restent sans réponse. Et pour les réponses négatives, on en peut pas dire que recevoir un mail générique et impersonnel nous indiquant que “malheureusement nous ne pouvons donner suite à votre demande d’embauche” soit une expérience très enrichissante socialement parlant.
En ce sens, le chatbot permet au contraire d’humaniser un minimum cet étape. S’il est bien conçu, bien humanisé avec l’utilisation de smileys et de GIF par exemple, il permettra d’apporter une expérience plus agréable au candidat que la simple rédaction d’un CV et d’une lettre de motivation pour un destinataire qui ne les lira sûrement qu’en diagonale.
Il ne faut pas non plus oublier que le recruteur intervient toujours dans le processus de recrutement. Seule la présélection sera automatisée. Un chatbot ne peut évaluer seul la parfaite adéquation entre le candidat et le poste.
Qui plus est, sous certains aspects, le chatbot présélectionne de manière plus juste et efficace que l’humain. En effet, un recrutement juste est un recrutement qui se base sur des facteurs fixes, préalablement définis. Hors il arrive souvent que des recruteurs s’attardent sur des facteurs autres, soient de mauvaise humeur, aient une mauvaise intuition… Alors que le chatbot se base sur les réponses à des questions qui sont identiques ou presque pour tout le monde. Il y a une homogénéité de traitement de l’information.
Le chatbot ne prendra pas en compte la couleur de peau, le sexe ou bien l’apparence. Il est important effectivement à un certain stade du recrutement d’apprécier la personnalité du candidat, ne serait-ce que pour savoir si la culture d’entreprise sera en adéquation avec lui. C’est pour cela qu’un humain reste indispensable quoi qu’il arrive.
Un chatbot va-t-il supprimer des emplois ?
De façon large, on peut penser que comme beaucoup de nouvelles technologies, l’automatisation va effectivement supprimer des emplois, mais en créer d’autres.
Pour être honnête, cela ne sera pas forcément vrai et encore moins démontrable. Pour expliquer cela, l’économiste Gregory Clark effectuait un parallèle entre les humains et les chevaux. Il faut imaginer un cheval regardant une voiture en 1900. Il s’attriste du chômage causé par cette dernière. Mais il se rassure en se disant que ses ancêtres ont aussi eu droit à du chômage lors de l’arrivée des machines à vapeur, là où les trains ont remplacé les diligences. Cependant ils ont pu ensuite se reconvertir en transportant un attelage plus léger en ville.
A ce stade, le cheval se dit que si leur “métier” est supprimé aujourd’hui, il y aura toujours de nouveaux emplois pas encore imaginés qui vont être créés. Ces derniers ne sont finalement jamais arrivés. Les chevaux “inutiles” ont été abattus et pas remplacés. Aux Etats-Unis la population équine est passée de 26 millions en 1915 à 3 millions en 1960.
De la même manière, nous ne pouvons pas être certains que de nouveaux métiers (qui restent par définition à imaginer) pourront compenser toute ou partie de la perte des emplois causée par l’automatisation.
Mais il s’agit de dédramatiser la situation. Pour le moment, un chatbot est incapable de remplacer entièrement un humain, encore moins dans le secteur des ressources humaines, où les rapports humains sont à ce point essentiels.
Le chatbot, qui effectue le travail répétitif et sans valeur ajouté, permettra aux salariés de se recentrer sur les tâches qui comptent vraiment. Concernant les ressources humaines par exemple, le chatbot permet au recruteur de passer moins de temps à l’étape de la présélection et d’en passer davantage par la suite sur la relation avec le candidat.
En plus de cela, le chatbot aura déjà pris soin de créer les fiches candidats et de hiérarchiser ces derniers. Le recruteur aura donc toutes les informations pertinentes regroupées et organisées, plutôt que de se perdre dans une pile de CV et de lettres de motivations.
Conclusion
Ce n’est pas la technologie en elle-même qui est dangereuse, c’est ce que l’on en fait. Dans le cas d’un chatbot rh, il faut l’utiliser de manière adéquate. Ce dernier ne doit pas être vu comme une borne automatique par le candidat, ni comme un concurrent par les employés.
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